A Propos

Rubriques

dimanche 25 janvier 2009

The Subways + Quidam - La Laiterie, Strasbourg (24/01/2009)


Be my, be my, be my...
Cela faisait deux ans et demi que The Subways n’avaient point mis les pieds dans la laiterie strasbourgeoise. Leur dernier passage, lors de la tournée Young for Eternity, avait laissé un souvenir grandiose. Un an après une première découverte de ces trois fous furieux sous la pluie du festival rock en seine édition 2005, le groupe avait enflammé le public alsacien me laissant un des meilleurs souvenirs de prestation live dans cette mythique salle de l’est. L’image d’un Billy Lunn déchaîné et surtout d’une adorable Charlotte Cooper sautant de toute part, sa basse à la main, en secouant frénétiquement la tête hantaient encore mes fantasmes de spectatrice. L’envie était grande, presque irrésistible, de retrouver ces sensations de légèreté dynamique, de passer toute une soirée à sauter furieusement, à jouer des coudes et des coups d’épaule bien placés. Cette fois-ci, The Subways avaient l’honneur de la grande salle de la laiterie avec un public dont la grande majorité bénéficiait encore de la carte de réduction 12-25 de la S.N.C.F.
Quo Vadis
Quidam ouvrait la soirée. Alors quid de quidam ? C’est difficile de rester totalement objective face à ces jeunes garçons à l’apparence fragile. Ils font autant d’effet qu’un plat de lasagnes froides. On les voit, ils sont mignons, le chanteur, Yannick Demaison, est même craquant. Il a une présence incroyable et ses échanges avec son jeune public sont fort sympathiques. Ça s’arrête là hélas. Si l’on tente de gratter un peu plus, de goûter ce qui nous paraît plutôt bon on en revient vite. L’ensemble sonne très sous-eiffel et sachant queEiffel est déjà un sous plein d’autres choses, je vous laisse imaginer l’étendue du désastre. Cocasserie de la soirée, le groupe annonça une reprise. « Dites, vous connaissez Joy Division ? » lança le chanteur comme si il était en train de présenter à l’audience un problème de métaphysique. Quelques oui se firent entendre pendant qu’à côté de moi des prépubères les yeux exorbités me faisaient « Joe qui ? ». Satisfaction de Yannick Demaison de constater, que ce soir, certains allaient apprécier la qualité de leur choix de reprise musicale. Celui-ci nous confia alors « Ahhh parce que dans la salle où on a joué hier soir, personne ne connaissait ! ». Ceci nous donne un aperçu de la culture musicale de la jeunesse française. Heureusement qu’ils sont là pour remédier à ces terribles lacunes, les Quidam. Les jeunes gens semblaient ravis de jouer devant leur public. Ils en oublièrent presque qu’ils n’étaient là qu’en première partie et lorsqu’ils quittèrent la scène et qu’ils nous précisèrent de manière presque prétentieuse de bien applaudir the subways, qui allaient suivre, parce que nous allions découvrir là un sacré bon groupe, on aurait presque eu envie de crier « mais c’est pour eux qu’on est venu bananes, filez dans vos loges ...sans dessert ! ».
...little rock and roll queen
Passons aux choses sérieuses. Place au trio les plus agité de la scène rock. Ceux pour qui peu auraient parié un kopeck il y a presque 4 ans lors de la sortie deYoung For Eternity. Ceux que l’on trouvait trop juvéniles il y a trois ans. Ceux qui proposent des morceaux un peu répétitifs. Ceux qui n’ont rien inventé mais qui pourtant ont ce don de déchaîner même les publics les plus timorés. En débutant la soirée avec “Rock n roll queen” et en enchaînant les titres les plus nerveux du groupe, l’ambiance était posée dès les premières secondes du set.Billy Lunn, torse nu, a pris place sur scène avec une hargne qui ne m’avait pas tant marqué lors de leurs précédentes prestations. Charlotte Cooper, toujours aussi ravissante, nous a gratifié de ses bonds et secouages de tête intensifs. Pendant ce temps là, le public se frottait plus ou moins violemment dans une bonne humeur ponctuée de stage-diving timides. Un concert de The Subways ce n’est pas tant ce qui se passe sur scène qui nous emporte mais ce que l’on vit dans la fosse à quelques mètres du groupe. Cette énergie qu’ils nous offrent, que l’on reçoit et qui nous permet d’extérioriser dans l’allégresse toutes nos pulsions et notre tension intérieure. Ce n’est pas aussi méchant que dans certains concerts où quelques mauvais esprits sont là pour carrément provoquer de méchantes bastons. Là c’est du tout mignon, on navigue dans du pogo tendre. Et quand on se retrouve au milieu de jeunes gens qui auraient pu être nos élèves et qu’on a quand même un cœur de môman, on passe une grande partie de la soirée à ramasser tout plein de garçons étendus à nos pieds car ils n’ont pas résisté à trois coups de coude mal placés. Ce furent 18 morceaux que The Subways nous ont proposés et il n’y eut pas un seul moment où nous nous sommes ennuyés. Billy Lunn étant de surcroît un sacré bonimenteur, il a su nous transcender à coup de « you are le most fuc*** incredible public que je n’ai jamais vu ! » toute la soirée. Musicalement, The Subways restent ce qu’ils sont : un groupe qui n’a rien de révolutionnaire et nous proposent des morceaux sympathiques et vraiment plaisants. Mais le groupe dure malgré toutes les critiques de légèreté. Ce qui signifie qu’il y a plus que cela. Ils ont cette envie, cette présence, ce partage qui les rend terriblement attachants.

dimanche 18 janvier 2009

Animal Collective - Le Bataclan, Paris (16/01/2009)


La déception est toujours à la hauteur de nos espoirs
Animal Collective c’est le phénomène du moment chez les bien-pensants du bon goût musical. Quand le groupe propose un concert parisien, en ce début 2009, les places sont alors prises d’assaut rapidement. Surtout quand on est à quelques jours de la sortie officielle d’un Merriweather Post Pavilion dont on se gargarise déjà dans les Inrocks et autres médias prescripteurs du « Non mais toi t’écoutes pas ça ? ‘spèce d’arriéré musical va ! ». On va donc à un concert d’Animal Collective comme on donne quelques sous à une bonne œuvre, sans trop savoir à quoi elle sert, pour se donner bonne conscience. L’intérêt n’est pas ici humanitaire mais purement pour avoir ce sentiment prestigieux que nous faisons partie de l’élite qui a tout compris aux morceaux expérimentaux de ce trio new-yorkais plus électronique que rock. Fort heureusement, le public duBataclan n’est pas seulement constitué d’imposteurs, il y a aussi quelques téméraires. Ceux qui ne connaissent pas et se disent que « Wahoo on en parle de telle façon que forcément on se rend là au concert de l’année ! ». Qu’ils sont mignons dans leur naïveté et leur candeur concernant l’Animal Collective ! Ils espèrent assister là au show miraculeux, le concert coup de foudre. Ce fameux concert qu’on ressort inlassablement quand on évoque son amour immodéré pour un artiste. Ils se voient déjà en train de conter à leur entourage des années durant : « C’était ce soir de janvier 2009 durant ce concert exceptionnel du Bataclan que j’ai tout compris au génie du groupe ! ». Et puis, parmi toute cette masse informe d’auditeurs, se trouvent çà et là des personnes qui aiment déjà énormément Animal Collective. Ceux qui ont pris le temps d’apprécier leur travail particulier. Ceux qui écoutent inlassablement et avec beaucoup de plaisir toutes ces chansons à base de blip blop, de cris stridents, de pseudo-mélodies « bontempistes ». Ceux-là viennent, ce soir, juste avec l’envie de découvrir les versions live de morceaux tant écoutés sur albums.
Qu’importe le bontempi pourvu qu’on ait le génie
Quand arrivent sur scène les trois bonshommes d’Animal Collective, qu’ils se placent de manière à ce que le regard d’aucun ne croise le regard de l’autre, que l’interaction avec le public est de l’ordre du néant, je conçois qu’on puisse être quelque peu surpris et désappointé. Il est évident que niveau prestation scénique on repassera : les éclairages minimalistes aux coloris improbables n’apportent pas grand-chose si ce n’est rendre dingues les rares personnes étant là pour immortaliser sur photos la soirée. Geologist et sa lampe frontale ne rendent pas l’ensemble plus communicatif. Avey Tare, dont on distinguera le visage un millionième de seconde, n’est pas du genre exubérant. En grand timoré, il passera la soirée à jouer quelques parties à la guitare, de côté, tête baissée ou ira faire quelques percussions dos au public. Il n’y a guère que Panda Bear, bien à l’abri derrière ses claviers pour tenter un simili d’échange avec le public lors de ses moments de chants.
Mais est-ce bien là l’intérêt pour un tel concert ? Quand on connaît les morceaux, quand on sait comment fonctionne le groupe, notre seule envie est de voir comment Animal Collective s’en sort pour nous proposer des versions live de morceaux déjà fascinants sur album. Bien sûr, tout n’est pas génial, la version de “Lion in a Coma” est quelque peu gâchée par des samples dépréciant l’originalité instrumentale de la version studio. Quelques morceaux de l’EPWater Curses sont par contre présentés de manière fort efficace tout en cassure de rythme, montée en intensité loufoque. Quasiment tout le nouvel album est présenté et les meilleurs morceaux ne déçoivent pas : que ce soit avec “Brothersport”, “Guys Eyes” ou le “My Girls” final, on retrouve l’essence même de ce qui fait l’attrait pour un tel groupe. Ce qui pourrait paraître du n’importe quoi, du pénible et lassant pour certains est en réalité nettement plus complexe. Le principal intérêt réside dans le côté répétitif d’un son, d’un bruit, d’une voix, d’un cri. Il ne faut pas chercher de mélodies joyeuses ou tristes, il faut se les créer dans son propre inconscient à partir des bribes que nous apportent les New-Yorkais. C’est à ce niveau là que réside l’interaction groupe-public. Ça passe ou pas. On adhérera à certains morceaux mais pas à tous. Et les fois où on entre dedans, on ressent une forme de jouissance à vivre là, à quelques mètres de ces véritables génies, la folie créatrice qui a conduit à faire de leurs sons et autres bruits des morceaux pour le moins fascinants.
Que l’on ait détesté cette soirée, que l’on ne soit pas du tout réceptif à ce que le groupe a proposé, qu’on trouve abusée l’extrême pauvreté de la prestation sur scène est un fait avéré partagé par de nombreux spectateurs du Bataclan. Pourtant d’autres sont ressortis de là ravis. Non pas parce qu’ils avaient assisté au concert hype du moment mais parce qu’ils partageaient enfin en vrai avec ces artistes géniaux des morceaux écoutés en boucle tous ces derniers mois. Il s’agissait là de l’aboutissement heureux d’une forme d’écoute intensive et laborieuse.
Certains savent que plus jamais ils n’iront voir ce groupe en concert, d’autres, quant à eux, se disent que dans moins de deux mois ils y retourneront avec le même enthousiasme qui les a conduits ce vendredi soir au Bataclan.